Représentation de Paul Claudel. Il est habillé en costard avec une cravate rayée. La photo est en noire et blanc.

Un poète chrétien

Plus connu de son vivant que sa sœur, l’inverse aujourd’hui, Paul Claudel, le voyageur est le frère de Camille Claudel ainsi que l’un des poètes les plus reconnus aujourd’hui. Grand nomade, il a réussi à retransmettre dans ses œuvres ce qu’il a pu voir tout au long de ses périples. Toutefois, qui est vraiment Paul Claudel ? C’est ce que je vous propose de découvrir aujourd’hui.

Une enfance complexe

Paul Louis Charles Claudel est né dans un très vieux village de France. Situé dans l’Aisne, Villeneuve-sur-Fère accueil le petit garçon un 6 août 1868. C’est dans l’ancien presbytère qui donne sur le cimetière qu’il vivra environ treize ans. D’ailleurs, des années plus tard, cette bâtisse deviendra le musée Paul et Camille Claudel. La famille Claudel est très renfermée sur elle-même, de plus, avec une mère, Louise Athenaïse Cécile Cerveaux qui n’a ni tendresse ni charité, ça n’aide pas. Celle-ci est issue d’une famille de propriétaires terriens. À ça, s’ajoutent les deux grandes sœurs de Paul, Louise et Camille. Elles ne lui rendent pas la vie facile. Toutefois, son père Louis-Prosper, vosgien, plus particulièrement de La Bresse, est plus chaleureux. Conservateur des hypothèques, c’est un homme cultivé et excentrique, en plus d’être un bon serviteur de l’État.

En 1881, toute la famille Claudel s’installe à Paris. C’est Camille, se sentant l’âme d’une sculptrice qui les y poussèrent. En effet, là, elle pourra avoir plus de facilité pour se lancer dans le métier. Cependant, la vie parisienne pèse à Paul, il ressent beaucoup de solitude et cette ville nécessite de ne compter que sur soi-même. Dans cette demeure, située aux 135 bis Boulevard de Montparnasse, ils vivront quelques années, plus précisément jusqu’en 1886. Ensuite, les Claudel déménageront pour s’installer aux 31 Boulevard du Port-Royal. Là, le garçon y restera jusqu’en 1892.

Un grand changement

Bien que la vie dans la capitale lui paraît morose et triste, cela n’empêche pas Paul Claudel de faire certaines sorties comme celle du 25 décembre 1886. Ce jour-là, il va à Notre-Dame de Paris avec sa famille pour assister à un spectacle des vêpres. Ceux-ci correspondent à la prière du soir et marque donc la fin de l’après-midi et le début de la soirée. Lorsqu’il les entend, Paul est touché par la foi et sa vie sera chamboulée. D’ailleurs, il dira :

J’étais debout, près du deuxième pilier, à droite, du côté de la sacristie. Les enfants de la Maîtrise étaient en train de chanter ce que je sus plus tard être Le Magnificat. En instant, mon cœur fut touché et je crus.

Ainsi, à l’âge de dix-huit ans, il deviendra chrétien, découvrira « Les illuminations » et « Une saison en enfer ». Deux poèmes d’Arthur Rimbaud. Ces deux chocs, le suivront toute sa vie.

Représentation de Paul Claudel. Il est de trois quart, coupé un peu en dessous du cou. Il porte une moustache, coiffé d'une raie sur le côté et semble réfléchir. Il est en costume avec une cravate. La photo est en noire et blanc.
Paul Claudel. Source : https://musee.sacem.fr/index.php/Detail/entities/3962

Premiers voyages

Sept années, après avoir été touché par la grâce, Paul Claudel part à New York. Dans cette jungle urbaine, il deviendra bureaucrate comme son père. Le matin, tôt, il écrit pour lui, le restant de la journée est consacrée à son travail. Pour cet homme, la carrière et les œuvres ne seront jamais incompatibles. Toutefois, il n’y restera pas longtemps. En effet, deux ans, après avoir posé le pied à New York, il va en Chine. Là, il plongera avec délice dans le pays. La culture, les personnes et les paysages solliciteront son intention. Ses marches à Shanghai, Fou-Tchéou, aujourd’hui Fuzhou et à Tientsin, une municipalité autonome du Nord-est de La Chine ne cesseront d’alimenter sa créativité.

Ainsi, alors qu’il ne devait, normalement y rester que cinq ans, ce sera pendant quinze ans qu’il ira en Chine. Chaque voyage durant la moitié d’une décennie. Pendant ces trois escapades, il écrira « Le repos du septième jour » et « Connaissance de l’Est » un livre ou il met une suite de poèmes en prose. Dans cet ouvrage, il répond à la question posée par Stéphane Mallarmé un autre poète et un de ses rares interlocuteurs, « Qu’es-ce que cela veut dire ? ». Lors de son deuxième voyage, il fera une rencontre. Évidement, entre temps, il rentrera en France.

Retour en Chine

C’est en 1900, que Paul Claudel décide de revenir sur sa terre natale en passant par La Palestine. Une fois arrivé, il se rend au couvent de Ligugé, une ville au sud de Poitiers pour devenir moine bénédictin. Il attend une réponse de Dieu. Toutefois, celle-ci sera négative et il décidera de repartir pour La Chine. L’homme est passionné par la diplomatie, c’est tout naturellement qu’il négociera la convention de l’arsenal et le chemin de fer qui reliera Hankéou-Pékin. En 1904, il commencera l’écriture de son journal qu’il tiendra jusqu’à sa mort.

Représentation de Stéphane Mallarmé. Il est assis à une table et tient une plume avec une feuille. Il est en costume et porte une foulard. Une moustache et une barbiche ainsi qu'une raie à gauche décor son visage.
Portrait de Stéphane Mallarmé. Source : https://picryl.com/media/stephane-mallarme-dc5069

Le soulier du satin

Cette amante que Paul Claudel rencontrera se nomme Rosalie Vetch. Elle est d’origine polonaise. Pendant trois ans, il partagera, à Fou-Tchéou, la vie de cette femme mariée. Cette relation fait un scandale, mais cela importe peu les deux tourtereaux. Toutefois, un beau jour, elle quitte La Chine pour des raisons obscures. Afin d’essayer de surmonter ce désespoir, l’homme débutera l’écriture d’un journal. Celui-ci commence sur ces mots :

Son départ. 1er août 1904. Commencé à Fou-Tchéou, septembre 1904. Naissance de Louise : 22 janvier 1905.

En effet, Paul est maintenant père. C’est en février 1905, qu’il apprend la nouvelle par une lettre de Rosalie. Cette dernière vit maintenant en Belgique avec Jan Lintner qu’elle va épouser. À la suite de cette trahison, la femme étant enceinte quand elle est partie, Paul Claudel écrira le livre « Partage de midi » qui raconte l’histoire de sa passion. Un drame en trois actes dont le dernier est imaginaire. La publication de ce récit délivrera l’homme. C’est un renouveau pour lui alors que pour sa sœur, Camille, c’est l’inverse. En effet, la femme est plus misérable que lui. Il y a peu de commandes, plus d’amour et s’ajoute à ça l’angoisse du vol de ses idées. Pour l’aider, il publiera un article pour lui rendre hommage, toutefois, en 1906, la femme s’effondre et détruit ses œuvres. Par la suite, elle sera internée.

Nouvelle rencontre pour le voyageur

La même année, plus précisément, le 14 mars, Paul épouse Reine-Sainte-Marie Perrin. Cette femme de douze ans sa cadette est la fille de Louis-Sainte-Marie Perrin, architecte de la basilique Notre-Dame de Fourvière. Ensemble, ils repartiront à Pékin, ville où il écrira « Cinq grandes odes » un autre livre qui laisse un recours au ravissement du poète. Même chiffre que le nombre d’enfants que le couple aura. En effet, ce seront cinq angelots qui viendront égayer la vie du duetto. La première, Marie, naîtra en 1907 et mourra en 1981. Un an plus tard, ce sera Pierre qui verra le jour. Il décédera en 1979. Reine (1910-2007), Henri (1912-2016) et Renée, qui naît en 1917 et meurt en 2021, viendront s’ajouter à la fratrie. Après ce troisième séjour, Paul Claudel est nommé à Prague et est fixé dans le journal de Kafka. Toutefois, après vingt ans, Paris devient concilient de son art.

Durant l’année 1912, Aurélien Lugné-Poe, un acteur, metteur en scène et directeur de théâtre français monte « L’annonce faite à Marie ». C’est son drame préféré. Toutefois, quand son père meurt un an plus tard à Villeneuve et consent, une semaine après à l’internement de Camille, alors âgée de cinquante ans, décision qui lui crèvera le cœur, Paul Claudel, malgré ses succès, n’est pas satisfait. En janvier 1917, l’homme quinquagénaire va à Rio. La vitalité brésilienne lui redonne un élan de jeunesse. Il passe son temps libre avec des gens de talent comme Darius Milhaud qui est nommé sur sa demande secrétaire d’ambassade ou l’Anglaise Audrey Parr dont il est un peu amoureux.

Une grande œuvre

Lorsque sa fille Renée naît le 2 août 1917, Paul Claudel reçoit, au Brésil, une lettre de Rosalie Vetch. Ça fait treize ans, qu’il n’a pas eu de nouvelles de cette dernière. À la suite de celle-ci, il écrira « Le Soulier de satin » qui marquera la résolution définitive des différentes harmonies qui avait agi sur ses jeunes années. Quatre ans plus tard, il est reçu à Tokyo avec les honneurs dû à son rang d’ambassadeur de France au Japon. Il bénéficiera d’un accueil chaleureux des intellectuels. Initié aux arts du pays du soleil levant, il les mettra en pratique. D’ailleurs, il reformule « L’homme et son désir » en un . Ainsi que « La femme et son ombre » qui sera jouée au théâtre impérial de Tokyo. Une nouvelle fois, ce sera au cours de ses promenades que Paul Claudel s’imprégnera de cette âme japonaise. Il tentera de la cerner dans ses écrits.

Ainsi, il continuera d’écrire « Le soulier de satin » qu’il terminera en 1924. Entre temps, il concevra lors de ses voyages à Washington et Bruxelles « La Cantate à trois voix ». Deux ans plus tard, il fixera « 100 phrases pour un éventail ». Ce sont des poèmes courts, seulement une phrase, un peu à l’image des haïkus. Ces syntagmes peuvent être supportés de sons, de sens et de mots, d’une haleine, d’un souffle ou via le battement de l’aile d’un éventail. Ces poèmes font l’éloge du vide dont le thème puissé chez Mallarmé le hante depuis son premier séjour en Extrême-orient.

Représentation d'une couverture d'un livre "Le soulier de satin" de Paul Claudel. On peut y voir deux mains sur un fond jaune qui tiennent une corde nouée. Deux roses des vents sont en haut et en bas de la couverture. Au centre est situé un rond rouge et blanc traversé d'une ligne.
Livre « Le soulier de satin ». Source : https://www.laparafe.fr/2014/07/le-soulier-de-satin-de-paul-claudel/
Représentation d'une couverture du livre "La Cantate à trois voix". Une couverture rose avec le titre écrit en rouge, édité chez Gallimard. Le nom de l'auteur, Paul Claudel est écrit en noir. Tout au tour de la couverture l'on peut voir un rectangle noir.
Livre de « La Cantate à trois voix ». Source : https://www.laporterie.com/produit/cantate-a-trois-voix-par-paul-claudel/
Représentation de la couverture du livre de Paul Claudel "100 phrases pour éventails". La couverture est blanche avec un rectangle en son centre montrant une carpe koï orange avec des fleurs japonaises bleues, vertes et jaunes. Le titre est écrit en noir et le nom de l'auteur en vert.
Livre « 100 phrases pour éventails ». Source : https://www.amazon.fr/Cent-phrases-pour-%C3%A9ventails-Claudel/dp/2070327795

La retraite

Environ un an après l’édition de « 100 phrases pour éventails », Paul Claudel est nommé ambassadeur en Amérique. Là, il préparera la signature du pacte Briand-Kellogg et réorientera son œuvre. Quelque temps, plus tard, il prend sa retraite dans son château de Brangues situé dans le département de l’Isère. Cette propriété baigne dans la douceur du pays du Rhône. Ainsi, chaque été, il quittera Paris avec sa famille nombreuse pour y séjourner pendant de longs mois. Ici, il étudie la bible, tient son journal, va à la messe et visite chaque soir la tombe de son arrière-petit-fils. Toutefois, en 1940, il s’installe définitivement à Brangues.

Cependant, Paul Claudel, veut se rendre utile, c’est pour cela qu’il partira à Alger. Il a 72 ans et là-bas, le sort des Juifs le bouleverse. Il décidera donc de le faire savoir au grand rabbin Jean Schwarz. Nous sommes en 1941. Cette même année, il publiera dans un numéro du Figaro « Paroles au maréchal ». Durant ce mois de mai, il écrit, » France, écoute ce vieil homme sur toi qui se penche et qui te parle comme un père. Fille de Saint-Louis, écoute le et dit, en as-tu assez maintenant de la politique. Écoute cette voix raisonnable sur toi qui propose et qui explique. » De par ce texte, il prend position contre la politique du maréchal Pétain. D’ailleurs, il est mis sur écoute par le gouvernement de Vichy. Toutefois, il émet quelques éloges à son égard, notamment pour la lutte contre l’alcoolisme et le soutien donné aux écoles libres.

Bonnes et mauvaises nouvelles

L’année 1943 débute bien pour Paul Claudel, mais se terminera plutôt mal. En effet, un comédien, Jean-Louis Barrault vient lui rendre visite. Un réel coup de cœur entre les deux hommes va se créer et Paul lui fera confiance pour monter « Le Soulier de satin ». Bien sûr, le texte sera remanié et une composition musicale va être créée. C’est Arthur Honegger, un compositeur suisse qui s’en chargera. Le poète s’impliquera dans les répétitions avec passion et fera toujours des remarques pertinentes qui aideront à améliorer la création. Cependant, celle-ci sera peu jouée, effectivement, à cause de sa longueur, environ onze heures, peu de théâtre la mettront en scène et ceux qui le feront, raccourciront la pièce.

Trois années, plus tard, il est reçu à l’Académie française. Là, ce sera le fauteuil de Jean Racine qui lui est donné. L’homme y rentrera avec deux autres écrivains, Marcel Pagnol et Jules Romains. La fin de cette année est compliquée, en effet, en septembre, il rend visite à sa sœur Camille comme environ tous les deux ans. Toutefois, ce sera la dernière fois qu’il la voit, puisqu’elle meurt peu de temps après.

Décès de Paul Claudel le voyageur

Le 23 février 1955, à l’âge de quatre-vingt-sept ans, alors qu’il lisait « Le Rimbaud » ou « Le génie impatient » d’Henri Mondor, il meurt d’une crise cardiaque. Il est inhumé au château de Brangues. Sa tombe porte l’épitaphe « Ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel ». Le jour de sa mort sera appelé « le jour des cendres ». Avant qu’il ne meure, il prononcera tout de même ces derniers mots « Qu’on me laisse tranquille, je n’ai pas peur ». Une preuve de sa foi inébranlable envers Dieu.

Avec un poème préalable écrit à treize ans, une première pièce à dix-neuf ans, de nombreux voyages et sa foi chrétienne, Paul Claudel s’est inscrit dans une tradition du commentaire des écritures perdues depuis un temps. Cette croyance fut une donnée essentielle de son œuvre qui lui a permis d’être bien plus connu de son vivant que sa sœur. Toutefois, aujourd’hui, c’est l‘inverse et parfois, l’homme est oublié. Cependant, il ne faut pas oublier que c’est un pilier de la poésie qui, pour reprendre ses mots ne faisait que rapporter ce que sont les choses comme a pu les énoncer Dieu.

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